Quand les montagnes m’entourent, je me sens chez moi. Je me sens au mieux de ma forme car j’ai grandi dans les Alpes françaises, dans un petit village, et mes deux parents ont des ancêtres originaires de cette région.
Nous n’avions jamais eu de télévision à la maison, ni même de douche ou de salle de bain. Nous avions un poêle à bois, et les chambres à l’étage étaient froides. Malgré cela, la nuit, ma mère entrouvrait ma fenêtre pour avoir de l’air frais. Elle disait que c’était bon pour la santé.
Les toilettes étaient à l’extérieur, à côté de la maison. Alors, en hiver, on pouvait facilement se geler les fesses là-dedans. Le téléphone est arrivé plus tard. Pour appeler ma grand-mère, je devais passer par une opératrice. Je me souviens de mon numéro : le 31 à La Chambre, et celui de ma grand-mère était le 1 à Cuines. Elle a probablement été la première à avoir le téléphone à l’époque, puisque son numéro était le 1.
Même si, pendant mon enfance, je n’ai pas été initiée à la religion, la nature était pour moi une création divine, et cette immense beauté, ce calme et cette sérénité m’impressionnaient. Tous les paysages étaient à couper le souffle. L’été, il m’arrivait d’aller avec ma mère et les voisins emmener les vaches en haut de la montagne. Bien sûr, nous y allions à pied et cela nous prenait toute la journée. À 2 000 ou 3 000 mètres d’altitude, on n’entend plus que les bruits de la nature.
Même si je ne connaissais pas Dieu, avec le recul, je sentais sa présence dans cette immensité. Loin des hommes, des péchés du monde, loin de toute humanité, je percevais quelque chose d’autre là, dans mes montagnes. Du haut du pic, on aperçoit l’autre versant des montagnes ; on est au plus près du ciel, et donc du Paradis.
Après notre mariage, Dietrich, mes enfants et moi sommes souvent retournés dans ma ville natale. Je me souviens d’un été où je rêvais d’y retourner, de gravir les montagnes par un sentier difficile et périlleux, malgré mes limitations physiques. Bien sûr, ma famille y allait toujours, mon frère partant à 3 ou 4 heures du matin, avant le lever du soleil, pour cueillir des edelweiss et du génépi, une plante de montagne, afin de préparer une liqueur et faciliter la digestion.
Alors, un matin, Dietrich et moi sommes partis. Ce voyage symbolisait le chemin de notre vie. Au bout d’une heure à peine, j’étais déjà épuisée. J’avais besoin de vitamines, de boissons, de collations et de repos. Après un peu de repos, j’avais du mal à grimper, alors Dietrich m’a poussé par derrière ; ça m’a bien aidé. Puis il m’a tiré avec un bâton ; ça m’a bien aidé aussi. Finalement, il m’a pris sur son dos. Mais nous sommes arrivés. Nous avons atteint notre but, notre destination. C’était un moment de grande joie.

Cet été, de retour dans ma ville natale, j’ai pris le téléphérique pour monter au sommet de mes montagnes. Je voulais simplement contempler toutes les vallées d’où venaient mes ancêtres et prier là, seule mais unie à notre Père céleste. Seuls les bruits de la nature emplissaient le silence, et Dieu était présent.