Par Laurent Ladouce
Cet article a été publié pour la première fois en anglais sur le blog Applied Unificationism
« Le mariage est une longue conversation », disait Friedrich Nietzsche.
Longue, mais de quelle durée, au juste ? La conversation peut-elle être éternelle, les amants peuvent-ils conjuguer les verbes de leurs sentiments conjugaux au-delà du voile de la mort ?
Nietzsche ne le dit pas. Mais Elisabeth Seidel a son idée. Son livre n’est pas un ouvrage de plus sur la vie après la mort ou sur la communication avec les morts. Il parle surtout des langages de l’amour conjugal sur terre et au ciel.
« L’amour est fort comme la mort », dit le roi Salomon dans le Cantique des Cantiques 8.6. Dans son cantique des cantiques unificationniste, Seidel suggère que l’amour peut être plus fort que la mort. Nous apprenons comment Dietrich et Elisabeth se déclarèrent leur amour naissant dans leur jeunesse, comment ils le cultivèrent sur terre, pas toujours avec des mots romantiques, et comment la quintessence de l’amour éternel s’exprime depuis l’ascension de Dietrich en 2016. Désormais absent des obligations quotidiennes, l’aimé reste une présence spirituelle : la conversation se poursuit, à un autre niveau.
Avant de mourir, Dietrich avait dit à Elisabeth que la mort est naturelle, aussi naturelle que la vie. Ceux qui sont vraiment unis de cœur sur terre continuent à communiquer avec leur bien-aimé. Ici, « vraiment unis » signifie naturellement unis. Des pouvoirs spéciaux, des dons spirituels ou des techniques peuvent aider à établir une communication. Mais une communion authentique et bienheureuse n’est possible qu’à travers des sentiments naturels qui relient les cœurs. L’amour d’après n’est que le prolongement de l’amour d’avant.
Toute personne au cœur sincère peut continuer à parler au bien-aimé, pourvu que le couple ait déjà dit l’amour sur terre et ne se soit pas contenté de faire l’amour. Nietzsche déclarait : « Lorsqu’on se marie, toujours se poser la question suivante : crois-tu que tu auras plaisir à parler avec cette femme jusque dans le grand âge ? Tout le reste d’un mariage est transitoire, mais la plus grande partie du temps vécu ensemble sera passera en conversations ».
Pourquoi Dietrich et Elisabeth ont-ils conservé un amour durable dans leur union, avec la promesse de vivre éternellement ensemble ? Le livre apporte des éléments de réponse, notamment cette lettre d’Elisabeth à Dietrich,
Les lieux où nous étions ensemble me manquent : mes montagnes alpines, tes Alpes autrichiennes. À la vue des sommets, nous nous sentions chez nous. Nous percevions Dieu dans nos montagnes (…) Nous partagions nos rêves avec le Parent céleste. Nous voulions être victorieux pour l’amour de notre Parent céleste.
Ici, le couple est représenté à la fois en relation avec le Créateur et avec Sa création, qui est comme l’écrin de l’amour. Dietrich était un Autrichien typique, Elisabeth vient des Alpes françaises. La nature accompagne leur histoire d’amour. Quiconque connaît la culture européenne se souvient que les Alpes ne cessent d’inspirer les amants modernes, depuis l’époque romantique. L’écrivain genevois Jean-Jacques Rousseau inventa la description romantique du paysage. Ses histoires d’amour ont nourri des générations de romantiques. Dietrich et Elisabeth sont des unificationnistes romantiques, à l’instar du révérend Moon qui déclarait : « Le couple marié idéal dont parle l’Église de l’Unification est un couple qui peut vraiment manifester les formes les plus élevées de l’art et de la littérature. »
La nature et les sentiments naturels d’amour créent le lien et l’affection humaine. Sans l’engagement spirituel devant Dieu, l’affection naturelle et humaine peut toutefois ne pas mûrir, voire s’affadir. Elisabeth parle sans détour des nombreux incidents qui émaillèrent leur vie de couple. Elle avoue que sans Dieu et sans discipline spirituelle, leur couple aurait pu être médiocre. Le secret de Dietrich et Elisabeth réside dans le juste équilibre entre l’amour romantique et l’amour éthique et engagé. Avant que Dietrich ne décède, elle lui a promis de continuer et lui a dit :
« Ne t’inquiète pas. Je m’occuperai de tout. Comment payer les factures et entretenir la maison. Comment utiliser l’ordinateur et écrire des courriels. Comment rester en contact et répandre l’amour autour de soi. Comment se débrouiller sans toi. Les choses laissées inachevées (…) tous les préjudices, je les réparerai. Toutes les douleurs, je les guérirai. Toutes les misères, j’en ferai des joies. Parce que tu m’as laissé un réservoir d’amour véritable ».
De son côté, Dietrich montre inlassablement des signes d’affection et de tendresse, mais en plus, depuis l’au-delà, il ne cesse de lui dire : « ma principale mission est de t’aimer »
Le livre relève d’un genre inhabituel. Tel un collage, il combine des genres littéraires variés. C’est en partie un essai spirituel bien documenté sur la vie après la mort, avec des citations d’érudits. Il s’agit également des mémoires d’Elisabeth, mais sans aucune chronologie. Nous passons du temps présent au passé lointain, puis au futur et au futur antérieur. Plutôt que de suivre un ordre logique et rationnel, l’auteur suit le courant de conscience, une technique de narration typiquement américaine. La dernière partie du livre appartient à un genre particulier, le roman épistolaire. Ce genre était populaire dans la tradition française classique et préromantique. Dans les 40 dernières pages, l’auteur présente les lettres qu’elle a écrites à Dietrich dans le monde spirituel et celles qu’elle a reçues de lui. C’est probablement la partie la plus émouvante et la plus passionnante du livre.
Le livre aborde de nombreux autres sujets, tels que le rôle de soutien d’une communauté spirituelle et la vie des enfants de Dietrich et Elisabeth. Un autre thème concerne les anges. Ils semblent compter dans la vie de Dietrich et Elisabeth. Cela nous rappelle les paroles de la célèbre chanson d’Abba I Have a dream
Je crois aux anges Quelque chose de bon dans tout ce que je vois Je crois aux anges Quand je saurai que le moment est venu pour moi Je frai franchirai le ruisseau
Nous manquons encore de récits ou de témoignages d’Unificationnistes ayant été en contact avec les défunts, une fois les cérémonies de funérailles terminées. Dès lors, de nombreux membres de la Sainte Communauté du Parent Céleste se tournent souvent vers la littérature et les traditions non unificationnistes pour renforcer leur conviction que les bien-aimés se portent certainement bien. Le travail d’Elisabeth Seidel sera utile aux Unificationnistes endeuillés. Malgré leur foi et leur résilience, ils traversent souvent une période difficile et morose, une fois passée la période des célébrations et des rituels. Elisabeth parle avec réalisme de la solitude et du vide vécus par les personnes veuves. Elle évoque ses sentiments de perte, de vulnérabilité, de manque, de détresse. Oui, la mort fait mal. Elisabeth en parle avec franchise.
Mais elle apprend aussi au lecteur à y faire face, car, comme le dit Dietrich, « la mort est naturelle ». La mort elle-même n’est pas une tragédie. Du livre émane un espoir raisonnable, venant d’une personne qui ressent de la gratitude, confesse ses faiblesses et ne se plaint jamais de son destin.
À un niveau plus fondamental, elle ouvre une voie qui, espérons-le, sera suivie par de nombreux autres unificationnistes. Ses convictions s’expriment naturellement, avec un profond respect pour les autres traditions. Son livre donne des conseils sur la façon d’arriver à vivre un amour absolu, éternel, immuable et unique.
La plupart des unificationnistes considèrent qu’il s’agit là de vérités évidentes. Cependant, aucune vérité évidente ne peut être considérée comme allant de soi.
Victor Hugo avait cette vision profonde de l’amour : « L’amour est l’absolu, l’infini. Pourtant, la vie est relative et limitée. De là tous les secrets et les angoisses profondes de l’homme. »
Elisabeth nous rappelle notre condition : en tant qu’êtres humains, nous sommes à la fois complètement mortels, finis, mais également immortels et infinis. Les humains ne peuvent aimer sur terre qu’en tant que mortels chérissant d’autres mortels. Nous venons au monde, nous repartons, la vie est éphémère et fragile. Même si la foi fortifie notre certitude d’une vie éternelle, seule l’expérience de l’amour, du fait de bien aimer et de bien vivre sur terre, peut nous donner l’espoir que l’amour ressenti est effectivement absolu, éternel, unique et immuable. Les Unificationnistes qui veulent annoncer ces vérités apprécieront de lire ce précieux témoignage d’une sœur qui a donné un sens à son union.